samedi 2 septembre 2017

A l'intérieur du cheval

Si votre objectif est que systématiquement le cheval réponde toujours de la manière attendue à vos demandes, alors vous n'attendez pas que votre cheval utilise son cerveau.

Vous demandez, il réagit, sans avoir de latitude, ni sur le fait de faire ou de ne pas faire, mais aussi, en ayant souvent peu d'autonomie sur la manière de faire. On ne demande pas au cheval de réfléchir, d'apprécier une situation, de faire preuve d'autonomie ou d'exercer un choix : il doit juste réagir d'une manière convenue  à une sollicitation. Et il doit le faire sans qu'on ait à se préoccuper de ses sentiments et de son état d'esprit.

La seule question est de savoir comment mettre en place le comportement attendu, et c'est l'objet du dressage des chevaux. La science s'est mise au service de cet objectif avec les principes d'apprentissage du béhaviorisme.

Aujourd'hui, le monde équestre connaît et utilise de plus en plus ces principes et ces concepts: conditionnement opérant ou pavlovien,  renforcements positifs et négatifs, stimuli appétitifs et aversifs, renforçateurs primaires et secondaires, «shaping», etc... Le seul débat semble être de savoir s'il faut utiliser plus le renforcement positif que le négatif ou inversement, ou de savoir équilibrer les deux.

Ces principes d'apprentissage sont démontrées par la science et ils sont efficaces en pratique. Il faut cependant en comprendre les limites et les implications.

Certains semblent penser que le cheval est trop limité pour apprendre autrement. Une véritable cognition serait l’apanage de l'homme qui lui est bien au-dessus du conditionnement.

La première chose et que l'homme apprend aussi par conditionnement. Dans notre voiture, le «bip-bip» insistant qui résonne quand on n'a pas mis notre ceinture de sécurité est un stimulus visant à nous conditionner. Et cela fonctionne, car nous avons tous appris à mettre notre ceinture sans y penser. Ce n'est qu'un exemple parmi de nombreux autres pour montrer que ces principes s'appliquent aussi à nous.

De manière évidente, nous ne sommes pas limités à ce type d'apprentissage. Nous pouvons aussi utiliser notre raisonnement, notre mémoire, apprendre au contact d'autres personnes, utiliser notre libre arbitre et décider en fonction de ce que nous souhaitons.

Alors, pourquoi les chevaux seraient limités aux principes d'apprentissage du béhaviorisme? Pourquoi, eux aussi, ne pourraient-ils pas réfléchir et faire des choix? Apprendre en explorant par eux-mêmes ou au contact des autres chevaux ?

A quoi pense un cheval?

Par principe, le béhaviorisme s'appuie sur des expériences où l'on mesure des comportements observables. On ignore volontairement les processus psychiques de l'animal, qui étant «internes», ne sont pas observables. C'est une démarche rigoureuse, mais ne pas faire de supposition sur les processus psychiques car on ne peut les observer, n'implique pas que ces derniers n'existent pas.

Avec les progrès scientifiques des neurosciences, on approfondit notre connaissance du cerveau et de son fonctionnement. Les appareils d'imagerie médicale modernes comme l'IRM ou la tomographie par émission de positrons (PET), permettent maintenant d'observer le fonctionnement du cerveau. Ceci ouvre la voie pour étudier les processus cognitifs des animaux. Déjà, on sait mettre en évidence que les animaux pensent et que leur cerveau présente des similarités avec le nôtre.

La science n'est pas immuable et progresse. Ce n'est pas par ce qu'aujourd'hui elle ne fait que commencer à étudier la cognition animale que l'on doit l'ignorer.

Si on peut utiliser le conditionnement avec nos chevaux, se limiter au behaviorisme au nom de la Science, c'est se limiter aux comportements du cheval, à ce qu'on observe «à sa surface».

Je souhaite que le cheval réponde à mes demandes, mais je souhaite aussi prendre en compte ce qui se passe en lui : ce qu'il pense, ce qu'il ressent. Il est important de le laisser explorer et réfléchir, de lui laisser une marge d'autonomie. Il peut répondre à nos demandes, non uniquement par conditionnement, mais aussi parce qu'il décide de le faire. Si nous pouvons lui apporter le confort et la sécurité, il sera motivé à le faire.

Plus on compte sur le conditionnement, moins le cheval utilise son cerveau. Il peut alors être capable de réagir correctement aux demandes apprises dans les conditions habituelles, mais il pourra se sentir dépourvu dans une situation inhabituelle, car il ne sait plus réfléchir. C'est pourquoi, parfois même les chevaux les mieux dressés peuvent «exploser» dans une situation nouvelle pour eux.

Plus un cheval utilise son cerveau, comme d'ailleurs il le fait naturellement à l'état sauvage pour assurer sa survie, plus il sera capable d'aborder un large éventail de situations avec confiance. Plus il sera aussi capable d'avoir une relation riche avec son cavalier. C'est un point à considérer dans l'éducation de nos chevaux.

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Quelques ouvrages pour aller plus loin:
Evidence-based horsemanship. Dr Stephen Peters & Martin Black, Ed. Wasteland Press.
Equus Lost? Francesco de Giorgio. Ed. Trafalgar Square Books.
Comment pensent les chevaux. Michel Antoine Leblanc, Ed. Belin.
Aussi
http://www.animalcognition.org/


mercredi 16 août 2017

En avant

On aime monter un cheval qui va de l'avant avec énergie et volonté, les oreilles en avant. À l'opposé, il est pénible de monter un cheval mollasson, qui semble se traîner dans de la mélasse, ou pour lequel on doit à chaque foulée essayer de le «pousser» pour qu'il tienne l'allure.

Il y a des chevaux qui ont naturellement plus ou moins d'énergie, mais avant d'accuser notre cheval d'être paresseux, nous pouvons nous demander si nous avons fait tout ce qui était nécessaire pour qu'il se porte en avant avec franchise.

On demande à notre cheval d'avoir de l'énergie ; mais, nous-même, avons-nous de l'énergie quand on veut avancer avec notre cheval ? On sommes-nous seulement un passager ?

Si nous avons de l'énergie, si nous avons de l'envie,  et que cela se traduit dans notre corps par de la vie et du rythme, alors le cheval pourra aussi avoir plus d'énergie. Si nous essayons d'être avec notre cheval, et que ensuite on met de l'énergie en étant légèrement en avant de l'énergie du cheval, alors il pourra suivre cette sensation et augmentera aussi son énergie.

Également, si nous regardons là où nous allons et que nous avons envie d'y aller, notre volonté et le fait que nous soyons sûrs de ce qu'il faut faire va aussi donner envie au cheval de nous suivre.

Un objectif clair et partagé motive le cheval

Pensons à un skieur qui doit s'élancer pour une course. Il ne compte pas que sur la pente pour avancer. Il n'est pas passif. Avant le départ, il rassemble son énergie et se met dans une position dans laquelle il est prêt à partir et regarde la pente. Il est encore immobile, mais il ne fait pas rien, il se mobilise physiquement et mentalement. Quand le signal du départ résonne, il part avec énergie, en libérant l'énergie qu'il avait préparée. C'est ce qu'on peut rechercher avec le cheval quand on part ou qu'on fait une transition montante : se préparer et préparer le cheval, mobiliser son énergie, son corps et sa volonté, avant de réaliser la transition avec l'énergie nécessaire.

Une fois que la transition est faite et que le cheval est dans l'allure, il doit maintenir l'allure avec notre accompagnement, mais sans pression répétée. S'il nous a suivi et qu'il met son énergie au diapason de la notre, alors nous devons rendre les choses confortables pour lui. En particulier, on ne doit pas utiliser nos jambes à chaque foulée pour faire pression en permanence.

Si vous devez courir, auriez-vous envie que quelqu'un vous donne des coups de baguette à chaque foulée pour vous faire avancer? Ce n'est pas ça qui va vous faire aimer la course! Si au contraire vous trouvez dans la course du confort et du plaisir, vous allez y prendre goût et ça sera votre idée de courir. Il sera alors inutile de vous «stimuler». De la même manière, le cheval ne va pas apprécier d'être talonné à chaque foulée. Nous devons lui donner envie de se porter en avant ; cela doit devenir son idée.

Souvent le cavalier utilise ses jambes de manière répétée car il a peur que le cheval prenne l'initiative de faire une transition descendante. Il est pourtant préférable que le cheval fasse une transition descendante et qu'à ce moment, vous demandiez immédiatement au cheval de refaire une transition montante pour revenir dans l'allure initiale. Après quelques répétitions, le cheval comprendra qu'il est plus confortable pour lui de rester dans l'allure.

Si on sent que le cheval fatigue et veut ralentir, on peut lui demander un effort puis il préférable de prendre l'initiative de lui demander de ralentir plutôt qu'il le fasse par lui-même.

Si le cheval, bien qu'on mettre de l'énergie et du rythme, ne bouge pas alors on peut se demander s'il y a une raison. Parfois, il peut y avoir une bonne raison comme une douleur ou de la peur, mais il se peut aussi que le cheval ait appris par la faute de l'homme à ne pas avancer à notre demande.  C'est dans cette situation qu'il peut être nécessaire d'utiliser la pression pour motiver le cheval. On ne peut pas faire grand chose avec un cheval qui n'avance pas. Il faut qu'il ait de l'énergie et là on pourra essayer de diriger cette énergie. Mais pour avoir cette énergie, il est parfois nécessaire d'utiliser la pression. Que l'on utilise ses jambes, ses éperons ou sa cravache, il s'agit juste d'utiliser de la pression, et non pas d'agresser le cheval, ni de le blesser, ni de l'épouvanter. Il s'agit de rendre inconfortable le fait de ne pas avancer et que dès que le cheval avance, cela soit confortable pour lui.

On peut donc utiliser la pression pour que le cheval avance, mais on doit cesser toute pression dès que le cheval avance, même si l'effort est encore insuffisant à notre goût. Si nous sommes dans l'état d'esprit de dire "maintenant avance ou tu vas voir ce que tu vas voir!" alors le cheval aura du ressentiment. Il n'aura pas envie d'être blessé et pourra même se contracter et s'immobiliser pour se protéger, ce qui va à l'opposé de ce que l'on recherche.

Parfois, on croit que plus de pression sera plus efficace, mais ce n'est pas le cas. Ce qui compte, c'est quand et comment la pression est appliquée et quand elle cesse. Là-dessus, chaque cheval est différent. Faut-il utiliser une jambe? ou les deux ? avec quelle force ? en éloignant les jambes ou en «pressant»? devons-nous utiliser les éperons? la cravache?

Plutôt que d'utiliser la force, il est préférable de chercher quelle est la pression qui mettra le cheval en avant sans entrer dans l'agression ou le conflit.

Il est aussi important d'être cohérent dans nos aides et de ne pas demander d'avancer avec nos jambes alors que nos mains exercent une pression. C'est comme d'appuyer sur l'accélérateur et le frein en même temps.

Pour un cheval qui n'avance pas, souvent, utiliser une seule jambe en étant ferme permet d'obtenir un mouvement. Quand c'est le cas, n'essayez pas de diriger le cheval, mais accompagnez-le dans le mouvement obtenu avec le souci de rendre les choses confortables pour lui.

Si la pression est parfois nécessaire, ou même la fermeté pour le cheval ayant appris à ne pas avancer, nous devons garder en tête que notre objectif est bien que le cheval se mette à l'unisson de notre énergie. Nous devons lui offrir notre énergie et notre rythme à chaque fois et n'utiliser que la pression minimale qui est nécessaire, tout en essayant de réduire cette pression au cours du temps. Quand un cheval a été désensibilisé à la jambe, la pression peut être nécessaire pour le sensibiliser à nouveau, mais l'objectif final est qu'il réagisse juste quand on remue notre orteil dans la botte.

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dimanche 23 juillet 2017

Un tango pour rassembler

Si vous pouvez faire avancer et reculer votre cheval en main, alors vous pouvez essayer à la chose suivante.

Le cheval à votre côté, tenu à la longe, faites-le reculer de quelques pas, puis stoppez-le et attendez quelques secondes. Repartez en avant de quelques pas, puis stoppez-le à nouveau, et attendez aussi. Recommencez, en allant d'arrière en avant puis d'avant en arrière, mais à chaque fois, le nombre de pas doit être différent, imprévisible. Tantôt, ce sera un seul pas, tantôt plus, jusqu'à sept ou huit.

Quand le cheval avance et recule sans résistance et dans le calme, offrez quelques instants de repos au cheval, puis reprenez l'exercice, avec ce changement: après qu'il ait reculé, au lieu de stopper et d'attendre, avancez directement. Cependant, après avoir avancé, continuez de stopper et d'attendre quelques secondes avant de repartir en arrière. Soyez toujours imprévisible sur le nombre de pas fait à chaque fois.



Quand le cheval fait cet exercice sereinement, après un nouveau repos, vous pourrez le reprendre avec une nouvelle variation. Cette fois, après avoir été en avant, repartez en arrière sans temps d'arrêt. Ainsi, par étapes, vous devrez arriver à avancer et reculer sans jamais s'arrêter, dans un mouvement fluide.

C'est un exercice où vous progressez en veillant à conserver le cheval dans le calme, en faisant autant de pauses que nécessaires.

Quand le cheval arrive ainsi à vous suivre, vous vous rendrez compte que comme il ne sait pas exactement quand vous allez repartir en arrière, il doit être prêt à chaque pas. Pour ceci, il va se préparer en allégeant son avant-main, en abaissant son arrière-main et en réduisant ses foulées. Autrement dit, il se rassemble, et ceci dans la légèreté.

C'est un moyen d'introduire le rassembler au sol. Vous pouvez ensuite progresser en essayant le même exercice en liberté.

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